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La fertilisation en autres macros et oligos-éléments
Le calcium (Ca)
Le calcium intervient dans la construction des parois
cellulaires et stimule la croissance des jeunes racines. Il possède
également des propriétés antitoxiques (précipitent
certains acides organiques en excès).
Les graminées fourragères sont généralement
déficitaires en calcium pour l’alimentation des ruminants.
L’utilisation de légumineuses dans les mélanges fourragers
et la présence de trèfle blanc dans les prairies pâturées
permettent d’enrichir la ration en Ca.
Le calcium est apporté lors du chaulage et/ou
par les engrais. Un apport annuel d'environ 350 kg de CaO est recommandé.
Le magnésium (Mg)
Il participe à la formation des composés
phosphatés, de la chlorophylle, de protéines, de glucides
et de certaines vitamines.
C'est un élément qu’il faut particulièrement
surveiller en prairie. Une chute brutale du taux de magnésium dans
le sang caractérise la tétanie d'herbage. Les causes favorisantes
sont le changement d’alimentation et le déséquilibre
lors de la mise à l’herbe. La fumure potassique en excès
est un facteur de risque important. La prévention consiste en
une mise à l’herbe progressive en assurant une transition
alimentaire et une complémentation riche en magnésium ainsi
qu'en appliquant une fertilisation potassique sans excès.
Certains engrais commercialisés sur le marché
contiennent du magnésium, de même que certaines chaux (calcaro-magnésienne).
Un apport annuel d'eniron 50 kg de MgO est recommandé sur prairie.
Cet apport est généralement couvert par l'apport d'engrais
de ferme et par l'apport d'amendements basiques calcaro-magnésiens.
Depuis quelques années, les résultats d’analyse de sols montrent une augmentation des teneurs en magnésium des sols (Vander Vennet, 2006, Crémer et al., 2010, Genot et al., 2012) alors que cet élément était réputé déficitaire dans les sols ardennais. Cette inversion de situation est certainement due à l’application quasi systématique de chaux magnésienne et d’engrais enrichis en cet élément durant les dernières décennies. Suite à ces changements ainsi qu’à la réduction, voire la suppression, de la fertilisation potassique de complément en culture mais surtout en prairie de fauche, le rapport K/Mg est devenu très souvent déficitaire.
Le sodium (Na)
Il est toujours déficitaire dans l’herbe.
Néanmoins, cet élément n’est pas essentiel
pour la croissance de l’herbe et un apport sous forme de blocs à
lécher est conseillé.
Le soufre (S)
Elément constitutif des protéines, le soufre
est essentiel pour les végétaux et les animaux. Pendant
de nombreuses années, les apports en soufre, notamment via les
retombées atmosphériques, ont suffi à compenser les
exportations par les récoltes. Cependant, depuis quelques années,
cette situation a fortement évolué suite aux efforts réalisés
par les industries pour réduire les émissions de composés
soufrés dans l’atmosphère. Depuis 1975, les retombées
atmosphériques ont diminué de 75%. Aujourd’hui, elles
ne suffisent plus à compenser les exportations des cultures. Une
prairie avec 12 tonnes de MS/ha exporte environ 25 kg de soufre par hectare
et par an.
En Wallonie, des déficiences en
soufre ont été observées au sein des prairies conduites
intensivement (Mathot et al., 2005). Un tiers des fourrages produits sans
fertilisation soufrée est carencé et ne permet pas d’assurer
une alimentation optimale des vaches laitières qui requièrent
une teneur de 0,2 % de soufre par kg de MS dans la ration. Cette valeur
est de 0,15% pour un bovin viandeux. Quel que soit le type de bétail,
la teneur en soufre ne devrait pas dépasser 0,35 à 0,4%
dans la ration complète. Pour les prairies, des teneurs inférieures
à 0,2% par kg de MS et un rapport N/S du végétal
supérieur à 14 sont considérées comme insuffisantes.
Ces valeurs guides ne sont toutefois pas valables pour des prairies jeunes
et riches en légumineuses.
Les déficiences en soufre sont à craindre
principalement en prairies de fauche gérées de façon
intensive avec des apports élevés en azote minéral,
sur des sols légers et pauvres en matières organiques. On
peut diagnostiquer une déficience en soufre, soit grâce à
l’analyse du végétal (Mathot et al., 2005), soit à
l’aide d’essais agronomiques comparant des schémas
de fertilisation avec ou sans soufre. En cas de déficience avérée,
une application de l’ordre de 20 kg de S/ha.an, répartie
sur les différentes coupes, est suffisante. Un apport d’engrais
riches en soufre n’est toutefois pas à conseiller de manière
systématique, car certains engrais de fond ou azotés en
contiennent en quantité non négligeable. Un apport excessif
est inutile et peut même s’avérer dangereux pour la
santé du bétail. Pour connaître la teneur en soufre
des engrais, il faut se renseigner auprès des fabricants. Les teneurs
en soufre des fertilisants sont généralement exprimées
en quantité de SO3. Le facteur de conversion de la teneur en SO3 en S est de 1/2,5. Ainsi, une application de 50 kg de SO3 par hectare
et par an équivaut à un apport annuel de 20 kg de S/ha.an.
Une partie de cet apport provient des engrais de ferme (en moyenne : fumier
: 2,5 kg SO3/t, lisier : 0,4 à 1,8 kg SO3/ m³ (Eriksen, 2002)).
Le sélénium (Se)
Le sélénium est un oligo-élément
qui retient de plus en plus l'attention du monde agricole. En effet, il
joue un rôle important dans différents processus biologiques
des mammifères : les mécanismes antioxydants, l'immunité,
la reproduction, le métabolisme thyroïdien, les mécanismes
anticancéreux… Or, les teneurs en sélénium
des aliments produits à la ferme (herbes, céréales)
sont relativement faibles et ne sont pas suffisantes pour couvrir les
besoins des bovins, estimés entre 100 et 300 µg de sélénium
par kg de MS. Des carences en sélénium sont donc fréquemment
rencontrées dans les troupeaux bovins ne recevant pas de supplémentation
spécifique en sélénium. Le seuil plasmique en dessous
duquel l'animal peut être considéré comme carencé
est de 70 µg de sélénium par litre de sang.
En Belgique, le sélénium présent
dans les sols l’est sous une forme inutilisable par les plantes.
La fertilisation avec des engrais enrichis en sélénium permet
d'augmenter les teneurs de cet élément dans les herbes et
les céréales, et ainsi de couvrir les besoins
des animaux.
A raison de quelques grammes par ha, le sélénium
minéral (sélénate) épandu va être absorbé
par la plante et transformé en sélénium organique.
Sous cette forme, il est moins toxique et mieux absorbé par le
bétail que sous la forme minérale des compléments
alimentaires. Stocké dans le lait et la viande, il a un effet bénéfique
pour le consommateur.
Autres oligo-éléments
Les sols de prairies sont, en général,
suffisamment riches en oligo-éléments pour satisfaire les
besoins des plantes. Dans une faible proportion de cas, certaines carences,
notamment en cuivre, ont été mises en évidence.
Malgré des teneurs apparemment satisfaisantes des sols, les fourrages
contiennent souvent trop peu de cuivre (Cu), de zinc (Zn) et de manganèse
(Mn) pour satisfaire les besoins des animaux. Une complémentation
minérale dans la ration est dès lors recommandée
pour ces éléments.
Les facteurs qui modifient la teneur en oligo-éléments
du fourrage sont essentiellement :
- La quantité d’oligo-éléments présents
dans le sol ;
- Leur bio-disponibilité suivant l’état du sol : pH,
texture… ;
- Les amendements calciques et les fumures ;
- Le mode de conduite de la prairie : fauche ou pâture, intensif
ou extensif… ;
- Les espèces végétales et leur stade de récolte.
Ce dernier facteur est particulièrement important. En effet, les
concentrations en Cu, Zn et Mn diminuent avec l’âge de la
pousse. Le Cu et le Zn des plantes âgées sont également
moins bien absorbés par les herbivores. Les légumineuses,
elles, contiennent proportionnellement plus d’oligo-éléments
que les graminées.
Les relations entre élements
Les éléments minéraux peuvent montrer des comportements antagonistes lors de l'absorption par la plante. Ainsi, un élément est antagonsite d'un ou plusieurs autres lorsqu'il empêche, à cause de sa concentration trop élevée dans le sol, l'absorption de ces éléments, en quantité suffisante et équilibrée, par la plante. Chez nous, c'est principalement les rapports K/Mg et Ca/Mg qui nous préocuppent (en mg/100g de terre sèche) (Lambert et Peeters) :
- Ca/Mg ne dépasser 50 ;
- K/Mg ne peut dépasser 3.
Dernièrement, une étude réalisée sur le territoire du Parc naturel Haute-Sûre Forêt d’Anlier (Crémer, 2013) a montré que seuls 43,8 % des échantillons de sols présentaient un équilibre K/Mg optimal, c’est-à-dire situé entre 1 et 2 selon les recommandations de REQUASUD (Genot et al., 2012). La situation est défavorable dans 47,5 % des cas (45,2 % des échantillons présentent un rapport compris entre 0,5 et 1). Plus inquiétant encore, 8,8 % des terres présentent une teneur en magnésium 2 fois plus importante que celle du potassium ! Dans une telle situation, une nutrition potassique trop faible est fortement à craindre.
Dans plusieurs cas, des problèmes d’implantation ou encore des problèmes de productivité ou de persistance des prairies ont été constatés. Une des hypothèses avancées est le blocage du potassium dû à un excès de magnésium. Pourtant, Il n’existe pas ou peu d’information sur le sujet. Toutes les études réalisées sur le rapport K/Mg le sont dans des cas où le magnésium est largement déficitaire.
Documents téléchargeables
Crémer S., Knoden D., Cugnon T., Lambert R. et Genot V, avril 2016. Raisonner la fertilisation magnésienne en prairie. Version résumée (5p) + version complète (13p)
Crémer S., Mathot M., Cugnon T. et Lambert R., avril 2016. Faut-il utiliser des engrais soufrés en prairies ? 2p
Knoden D., Lambert R., Nihoul P., Stilmant D., Pochet P., Crémer S., Luxen P., 2007. Fertilisation raisonnée des prairies. Les livrets de l'Agriculture n°15. SPW. 45 p.
Mathot M., Vermeiren E., Lambert R., 2009. Indices de nutrition
minérale et ensilage d'herbes : évaluation et validation
de leur utilisation pour la détection des déficiences
en prairies. UCL - Rapport final de la recherche collective subvention
2741/1 DGARNE. Mars 2009. 16 p.
Mathot M., Mertens J., Verlinden G., Lambert R., 2008. Positive
effects of sulphur fertilisation on grasslands yields and quality
in Belgium (Effets positifs de la fertilisation soufrée
sur les rendements et sur la qualité des prairies en Belgique). European Journal of Agronomy. 4 p.
Mathot M., Thélier-Huché L., R. Lambert, 2009. Sulphur
and nitrogen content as sulphur deficiency indicator for grasses (Teneurs
en azote et en soufre comme indicateur d'une déficience en
soufre de la plante). European Journal of Agronomy. 5 p.
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